Epreuve E3C : Histoire Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques
Voie : Bac général
Niveau d’études : Classe de première
Session : 2025
Durée de l’épreuve : 2 heures
Axes de programme : Les pouvoirs de la parole.
Calculatrice : Interdite
Dictionnaire : Interdit
Numéro du sujet : G1SHLEH02983
Extrait de l’annale :
Unique survivant de Troie, Enée raconte à Didon les derniers instants de la cité. Alors que sa ville est saccagée et les siens massacrés, il aperçoit Hélène qu’il tient pour responsable des malheurs de la cité troyenne. Il se laisse emporter dans un mouvement de fureur meurtrière.
J’éclatais ainsi et j’étais emporté par un coup de folie, lorsque s’offrit à mes
yeux, plus clairement visible qu’elle ne l’avait jamais été, ma gracieuse mère1,
resplendissante d’une pure lumière à travers la ville et s’avouant déesse, aussi belle et grande qu’elle aime se montrer aux habitants du ciel. Elle me saisit la main, me retint, et ajouta ces mots de ses lèvres de rose : « Mon enfant, quelle profonde blessure peut bien déchainer en toi une profonde colère ? Où est passé le souci que tu as de nous ? N’iras-tu pas d’abord voir ce qui se passe là où tu as laissé ton père Anchise sur qui pèsent les ans ? Et ta femme Créuse, et le petit Ascagne, sont-ils encore vivants ? Toutes les troupes grecques rôdent partout autour d’eux et, si ma propre inquiétude ne l’empêchait, ils auraient déjà été la proie des flammes, ou bien l’épée de l’ennemi aurait bu leur vie. Non, ce n’est pas, sache-le, l’odieuse beauté de la Lacédomienne, fille de Tyndare2, ni la faute de Pâris3 qui renversent cette opulence et précipitent Troie du faîte de sa grandeur : c’est l’inclémence des dieux, oui, des dieux. Regarde, je vais écarter de tes yeux de mortel le nuage dont la vapeur humide les couvre et les émousse ; de ton côté, ne crains rien de tout ce que va t’ordonner ta mère et ne regimbe pas, mais obéis à ses instructions.
Là où tu crois voir des blocs disjoints, des pierres arrachées aux pierres, des
tourbillons de fumées mêlée de poussière, Neptune, de son énorme trident ébranle les remparts, en secoue les fondations et arrache la ville entière à ses assises. Là, à l’entrée de la ville, c’est Junon, la plus atroce de tous, qui occupe les Portes Scées4 : l’épée à la ceinture, en état de fureur, elle fait venir de leurs vaisseaux l’armée de ses alliés. Maintenant regarde par ici : la Tritonienne Pallas5 est assise au sommet de la citadelle, dans le rayonnement de son nimbe6 et la férocité de sa Gorgone. Le Père lui-même, Jupiter, pourvoit les Danaens7 de courage, d’énergie prometteuse et c’est lui qui lance les dieux contre les armes troyennes. Hâte-toi de fuir, mon fils, mets un terme à cette épreuve et je te mettrai en sûreté sur ton seuil paternel. »
Ayant ainsi parlé, elle se referma dans les ombres épaisses de la nuit.
Virgile, Enéide, chant II, 600 – 627, 1er siècle av. J.-C., traduction de
Paul Veyne
1 Enée est le fils de Vénus, déesse de l’amour, et protectrice de Troie.
2 Il s’agit d’Hélène.
3 C’est Pâris, prince de Troie, qui, séduit par Hélène, l’a enlevée et déclenché ainsi la guerre avec les Grecs.
3 C’est Pâris, prince de Troie, qui, séduit par Hélène, l’a enlevée et déclenché ainsi la guerre avec les Grecs.
4 Portes du rempart de Troie face au camp grec.
5 Il s’agit de Minerve aussi connue comme Athéna, déesse de la guerre.
6 Son halo.
7 Les Grecs.
Question d’interprétation littéraire :
Vénus est une déesse : en quoi sa parole le révèle-t-il ?
Question de réflexion philosophique :
Des paroles peuvent-elles apaiser la fureur ?
Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.