Epreuve E3C : Histoire Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques
Voie : Bac général
Niveau d’études : Classe de première
Session : 2025
Durée de l’épreuve : 2 heures
Axes de programme : Les pouvoirs de la parole.
Calculatrice : Interdite
Dictionnaire : Interdit
Numéro du sujet : G1SHLEH02984
Extrait de l’annale :
Alors que Lancelot vient de défaire un chevalier orgueilleux qui l’avait provoqué en duel, une jeune femme survient et lui fait la demande suivante.
« […] Il s’agit de la tête de ce chevalier que tu as vaincu, et vraiment tu n’as
jamais rencontré quelqu’un d’aussi traître ni d’aussi déloyal. Tu ne commettras ainsi ni péché ni mauvaise action, au contraire tu accompliras un acte charitable et moral, car c’est le plus déloyal des êtres du temps passé ou à venir. » Quand le vaincu entendit qu’elle voulait sa mort, il lui cria : « Ne la croyez pas, car elle me hait ; mais je vous prie d’avoir pitié de moi au nom de ce Dieu à la fois fils et père, qui choisit pour mère celle qui était sa fille et sa servante. – Ah ! chevalier, reprit la jeune fille, ne croyez pas ce traître. Que Dieu te donne autant de joie et d’honneur que tu peux le désirer, et qu’il t’accorde de réussir ce que tu as entrepris ! » Voilà le chevalier bien embarrassé et il prend le temps de réfléchir : donnera-t-il la tête à celle qui lui demande de la trancher, ou accordera-t-il assez de prix à l’autre pour le prendre en pitié ? À l’une comme à l’autre il souhaiterait accorder ce qu’ils demandent :
Largesse et Pitié lui commandent de faire plaisir à chacun des deux, car il avait ces deux vertus. Mais si la jeune fille remporte la tête, alors Pitié sera vaincue et morte ;
et si elle ne l’emporte pas, alors c’est la défaite de Largesse. Il est pris d’une double contrainte qui des deux côtés l’angoisse et le tourmente. La jeune fille veut qu’il lui donne la tête comme elle le lui a demandé ; inversement, Pitié quant à elle lui commande de le laisser aller. Or, puisqu’on a lui demandé grâce, doit-il la refuser ?
Non, car il ne lui est jamais arrivé qu’à quelqu’un, même son pire ennemi, une fois vaincu et contraint de demander grâce, non, il ne lui est jamais arrivé qu’il lui ait refusé cette grâce, du moins la première fois, et sans lui laisser l’espoir d’obtenir davantage. Donc il ne la refusera pas à cet homme qui fait appel à lui et le supplie, puisque tel est son principe de conduite. Et celle qui veut sa tête, l’aura-t-elle ? Oui, s’il peut. « Chevalier, dit-il, il te faut combattre de nouveau avec moi, et je t’accorderai cette grâce, si tu veux défendre ta tête : je te laisserai reprendre ton heaume et t’armer tranquillement une nouvelle fois de pied en cap du mieux que tu pourras. Mais sache que tu mourras, si je l’emporte sur toi une seconde fois. »
Chrétien de Troyes, Lancelot ou le chevalier de la Charrette,
2804 – 2889 (XIIème siècle), texte établi et translaté par Daniel Poirion.
Question d’interprétation littéraire :
Selon vous, Lancelot est-il sensible aux prises de parole de la jeune fille et du
chevalier vaincu ?
Question de réflexion philosophique :
Face à deux personnes qui argumentent de manière opposée sur un même sujet, sommes-nous en mesure de savoir qui a raison ?
Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.