Epreuve E3C : Histoire Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques
Voie : Bac général
Niveau d’études : Classe de première
Session : 2025
Durée de l’épreuve : 2 heures
Axes de programme : Les pouvoirs de la parole.
Calculatrice : Interdite
Dictionnaire : Interdit
Numéro du sujet : G1SHLEH03001
Extrait de l’annale :
Dans La Critique de l’École des Femmes, Molière met en scène les réactions
d’adversaires et d’admirateurs de sa pièce L’École des femmes. Le Marquis évoque les rires des spectateurs du parterre regroupant les gens du peuple debout devant la scène, tandis que les bourgeois ou les nobles sont assis dans les baignoires ou dans les loges surplombant la scène et le parterre.
LE MARQUIS. Il ne faut que voir les continuels éclats de rire que le parterre y fait : je ne veux point d’autre chose, pour témoigner qu’elle1 ne vaut rien.
DORANTE. Tu es donc, Marquis, de ces messieurs du bel air, qui ne veulent pas que le parterre ait du sens commun2, et qui seraient fâchés d’avoir ri avec lui, fût-ce de la meilleure chose du monde ? Je vis l’autre jour sur le théâtre un de nos amis qui se rendit ridicule par là. Il écouta toute la pièce avec un sérieux le plus sombre du monde : et tout ce qui égayait les autres ridait son front. À tous les éclats de rire, il haussait les épaules, et regardait le parterre en pitié ; et quelquefois aussi le regardant avec dépit, il lui disait tout haut : « Ris donc, parterre, ris donc ». Ce fut une seconde comédie, que le chagrin de notre ami ; il la donna en galant homme à toute l’assemblée ; et chacun demeura d’accord qu’on ne pouvait pas mieux jouer qu’il fit. Apprends, Marquis, je te prie, et les autres aussi, que le bon sens n’a point de place déterminée à la comédie ; que la différence du demi-louis d’or, et de la pièce de quinze sols, ne fait rien du tout au bon goût ; que debout et assis, on peut donner un mauvais jugement ; et qu’enfin, à le prendre en général, je me fierai assez à l’approbation du parterre, par la raison qu’entre ceux qui le composent, il y en a plusieurs qui sont capables de juger d’une pièce selon les règles, et que les autres en jugent par la bonne façon d’en juger, qui est de se laisser prendre aux choses, et de n’avoir ni prévention3 aveugle, ni complaisance affectée4 , ni délicatesse ridicule.
LE MARQUIS. Te voilà donc, Chevalier, le défenseur du parterre ? Parbleu, je m’en réjouis, et je ne manquerai pas de l’avertir, que tu es de ses amis. Hay, hay, hay, hay, hay, hay.
DORANTE. Ris tant que tu voudras ; je suis pour le bon sens, et ne saurais souffrir les ébullitions de cerveau de nos marquis de Mascarille5.
Molière, La Critique de l’École des Femmes scène V (1663).
1 La pièce.
2 Manière de juger raisonnable ou bon sens.
3 Préjugé.
4 Feinte, simulée.
5 Mascarille est un homme prétentieux, dont Molière se moque dans son œuvre Les Précieuses Ridicules.
Question d’interprétation philosophique :
Quel est, d’après cette scène, le véritable fondement du jugement théâtral ?
Question de réflexion littéraire :
La parole théâtrale peut-elle séduire tous les publics ?
Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.