Bac Général
Centre d’examen : Polynésie
Matière : Français
Année : 2025
Session : Remplacement
Durée de l’épreuve : 4 heures
Repère de l’épreuve : 25-FRGEPO3
Au choix, I’un des deux sujets suivants :
1- Commentaire (20 points)
OBJET D’ETUDE : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
Gustave Flaubert, Madame Bovary, II, 15 (1857)
Emma Bovary, grande amatrice de romans d’amour et épouse déçue par sa vie conjugale, se rend à l’Opéra de Rouen avec son mari. Ils assistent à une représentation de Lucie de Lammermoor, adaptée d’un roman de Walter Scott’, qu’elle a lu avec adoration dans sa jeunesse.
Un battement de cœur la prit dès le vestibule. Elle sourit involontairement de vanité, en voyant la foule qui se précipitait à droite par l’autre corridor, tandis qu’elle montait l’escalier des premières. Elle eut plaisir, comme un enfant, à pousser de son doigt les larges portes tapissées; elle aspira de toute sa poitrine l’odeur poussiéreuse des couloirs, et, quand elle fut assise dans sa loge, elle se cambra la taille avec une désinvolture de duchesse.
La salle commençait à se remplir, on tirait les lorgnettes de leurs étuis, et les abonnés, s’apercevant de loin, se faisaient des salutations. Ils venaient se délasser dans les beaux-arts des inquiétudes de la vente; mais, n’oubliant point les affaires, ils causaient encore cotons, troissix2 ou indigo³. On voyait là des têtes de vieux, inexpressives et pacifiques, et qui, blanchâtres de chevelure et de teint, ressemblaient à des médailles d’argent ternies par une vapeur de plomb.
Les jeunes beaux se pavanaient au parquet, étalant, dans l’ouverture de leur gilet, leur cravate rose ou vert pomme; et Mme Bovary les admirait d’en haut, appuyant sur des badines à pomme d’or la paume tendue de leurs gants jaunes.
Cependant, les bougies de l’orchestre s’allumèrent; le lustre descendit du plafond, versant, avec le rayonnement de ses facettes, une gaieté subite dans la salle; puis les musiciens entrèrent les uns après les autres, et ce fut d’abord un long charivari de basses ronflant, de violons grinçant, de pistons trompetant, de flûtes et de flageolets qui piaulaient. Mais on entendit trois coups sur la scène; un roulement de timbales commença, les instruments de cuivre plaquèrent des accords, et le rideau, se levant, découvrit un paysage.
C’était le carrefour d’un bois, avec une fontaine, à gauche, ombragée par un chêne. Des paysans et des seigneurs, le plaid sur l’épaule, chantaient tous ensemble une chanson de chasse; puis il survint un capitaine qui invoquait l’ange du mal en levant au ciel ses deux bras; un autre parut; ils s’en allèrent, et les chasseurs reprirent.
Elle se retrouvait dans les lectures de la jeunesse, en plein Walter Scott’. Il lui semblait entendre, à travers le brouillard, le son des cornemuses écossaises se répéter sur les bruyères. D’ailleurs, le souvenir du roman facilitant l’intelligence du libretto4, elle suivait l’intrigue phrase à phrase, tandis que d’insaisissables pensées qui lui revenaient, se dispersaient, aussitôt, sous les rafales de la musique. Elle se laissait aller au bercement des mélodies et se sentait elle-même vibrer de tout son être comme si les archets des violons se fussent promenés sur ses nerfs. Elle n’avait pas assez d’yeux pour contempler les costumes, les décors, les personnages, les arbres peints qui tremblaient quand on marchait, et les toques de velours, les manteaux, les épées, toutes ces imaginations qui s’agitaient dans l’harmonie comme dans l’atmosphère d’un autre monde. Mais une jeune femme s’avança en jetant une bourse à un écuyer vert. Elle resta seule, et alors on entendit une flûte qui faisait comme un murmure de fontaine ou comme des gazouillements d’oiseau. Lucie entama d’un air brave sa cavatine en sol majeur; elle se plaignait d’amour, elle demandait des ailes. Emma, de même, aurait voulu, fuyant la vie, s’envoler dans une étreinte.
1. Walter Scott (1771-1832): homme de lettres écossais, dont les romans historiques étaient très appréciés au XIXe siècle, notamment par les romantiques.
2. trois-six: eau-de-vie, alcool.
3. indigo: colorant pour tissu.
4. libretto: petit ouvrage contenant le texte d’un opéra.
5. cavatine: air d’opéra, d’inspiration lyrique et d’une grande douceur.
2- Dissertation (20 points)
OBJET D’ETUDE : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle
Le candidat traite au choix, compte tenu de l’œuvre et du parcours étudiés durant l’année, l’un des trois sujets suivants :
Sujet A
Œuvre : Pierre Corneille, Le Menteur
Parcours associé : mensonge et comédie
Dans le scène 4 de l’acte III, Cliton dit à Dorante :
« Mais, Monsieur, ce serait pour me bien divertir, Si comme vous Lucrèce excellait à mentir.»
Les mensonges, dans Le Menteur, ne sont-ils qu’une source de
divertissement ?
Vous répondrez dans un développement organisé. Votre réflexion prendra
appui sur l’œuvre de Pierre Corneille au programme, sur le travail mené dans le cadre du parcours associé et sur votre culture personnelle.
Sujet B
Œuvre : Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour
Parcours : les jeux du cœur et de la parole
Selon un critique, la parole, chez Musset, « tire toujours à conséquence : il n’y
a pas de parole gratuite. »
En quoi cette citation éclaire-t-elle votre lecture de On ne badine pas aveс
l’amour?
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé. Votre réflexion prendra appui sur l’œuvre d’Alfred de Musset au programme, sur le travail mené dans le cadre du parcours associé et sur votre culture personnelle.
Sujet C
Œuvre : Nathalie Sarraute, Pour un oui ou pour un non
Parcours : théâtre et dispute
À propos d’une autre pièce de Nathalie Sarraute, un critique explique que les
personnages « développent une agressivité » dont « la raison est insaisissable. »
En quoi cette citation éclaire-t-elle votre lecture de Pour un oui ou pour un
non?
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé. Votre
réflexion prendra appui sur l’œuvre de Nathalie Sarraute au programme, sur le
travail mené dans le cadre du parcours associé et sur votre culture personnelle.
