Epreuve E3C : Histoire Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques
Voie : Bac général
Niveau d’études : Classe de première
Session : 2025
Durée de l’épreuve : 2 heures
Axes de programme : Les pouvoirs de la parole.
Calculatrice : Interdite
Dictionnaire : Interdit
Numéro du sujet : G1SHLEH03005
Extrait de l’annale :
SOCRATE :
Il est absolument certain, comme nous l’avons dit au début de notre entretien, qu’on devrait n’avoir aucun besoin de connaître la vérité sur la justice et sur la bonté des choses ou même des hommes, tels que les a faits la nature ou l’éducation, quand on veut devenir un orateur convenable. En effet, dans les tribunaux, personne n’a làdessus le moindre souci de vérité ; on se soucie plutôt de ce qui est susceptible de convaincre, c’est-à-dire du vraisemblable, à quoi doit s’attacher quiconque veut parler en suivant les règles de l’art. Il y a même des cas, en effet, où il faut éviter d’exposer les faits, s’ils ne sont pas vraisemblables, et s’en tenir à la vraisemblance, et cela aussi bien dans l’accusation que dans la défense. Et d’une manière générale, quand on parle, c’est bien le vraisemblable qu’il faut poursuivre en disant au vrai tous les « au revoir » du monde. En effet, c’est le vraisemblable qui, se retrouvant d’un bout à l’autre du discours, constitue l’art oratoire dans sa totalité.
PHEDRE :
Tu as rapporté très exactement, Socrate, la thèse que soutiennent ceux qui se donnent pour des gens qui maîtrisent l’art oratoire. Je dis cela, parce que je viens de me rappeler que précédemment nous avons brièvement touché ce point, qui me semble être d’une grande importance pour ceux qui s’occupent de ces choses.
SOCRATE :
Mais pourtant Tisias, lui, tu l’as potassé1 avec la plus grande attention. Eh bien, il y a encore ceci que Tisias doit nous dire : par « le vraisemblable », entend-il autre chose que l’opinion du grand nombre ?
PHEDRE :
Que pourrait-il entendre d’autre ?
SOCRATE :
Voilà donc, semble-t-il, son ingénieuse invention qui constitue du même coup le secret de son art. « Supposons, a-t-il écrit, qu’un homme faible et courageux soit, parce qu’il a battu un homme fort et lâche et qu’il l’a dépouillé de son manteau ou d’autre chose, traduit devant les tribunaux ; ni l’agressé ni l’agresseur ne doivent, bien sûr, dire la vérité. Mais le lâche doit prétendre que l’homme courageux ne fut pas le seul à le battre, alors que l’autre doit le réfuter en disant qu’ils étaient seuls l’un avec l’autre et avoir recours à cet argument : « Comment, moi, fait comme je suis, me serais-je attaqué à un homme comme lui ? » L’autre, bien sûr, n’avouera pas sa propre lâcheté. Mais tout nouveau mensonge auquel il s’essaiera fournira sans aucun doute à la partie adverse matière à réfutation. On peut prendre d’autres exemples ; c’est en de tels procédés que réside l’art oratoire. » N’est-ce pas vrai, Phèdre ?
PHEDRE :
Bien sûr !
Platon, Phèdre, 272d-273c, IVème siècle av. J.-C., traduction L. Brisson
Question d’interprétation philosophique :
Selon le texte, le vraisemblable est-il plus efficace que le vrai en vue de convaincre ?
Question de réflexion littéraire :
Poètes, romanciers et dramaturges vous semblent-ils, comme l’orateur, « envoyer promener le vrai » ?
Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.