Epreuve E3C : Histoire Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques
Voie : Bac général
Niveau d’études : Classe de première
Session : 2025
Durée de l’épreuve : 2 heures
Axes de programme : Les pouvoirs de la parole.
Calculatrice : Interdite
Dictionnaire : Interdit
Numéro du sujet : G1SHLEH03006
Extrait de l’annale :
Dire « je », c’est, croit-on, se prendre pour le centre du monde. C’est le
contraire qui est vrai. Seul celui qui s’oublie se prend lui-même pour centre et se prend même pour le monde : il présente le monde en s’en absentant, il dit « S est P » en excluant du monde le point d’où il le dit. Il retombe dans l’illusion originaire1 et dans son rêve d’omnipotence2. Dire « je », c’est relativiser le monde vu en concédant qu’on le voit toujours d’un certain point de vue ; ou plutôt, c’est relativiser le monde dit, en indiquant qu’on le dit toujours d’un certain point de locution3. C’est consentir à n’être que je, comme tous les autres. Celui qui dit « je » n’a pas besoin de dire « je dis que » puisque le « je » qu’il dit est dans sa parole comme « je » qui dis (dit ?). Le « je » à lui seul, qui affleure dans son discours, implique qu’il ne peut pas dire le monde, le monde tel qu’il est, en lui-même, puisqu’il dit qu’il le dit. Au contraire, celui qui dit, ou prétend dire, le monde en soi ne dit pas qu’il le dit. La toute-puissance de la parole est limitée par le fait de se dire parole, et ma toute-puissance, si grande que je la prétende, est limitée parce que je la dis mienne. Mais, pour la même raison, celui qui dit « je » n’a pas non plus besoin de dire « tu ». Dans le « je », les autres, et notamment celui à qui je m’adresse, sont déjà inclus, au moins comme possibles, sans être nécessairement dits. S’il y a un point de vue – ou plutôt un « point de locution » – dans le monde, c’est que d’autres sont possibles.
Francis Wolff, Dire le monde, 1997
1 Illusion originaire : croire que le monde « existe sans être dit, c’est-à-dire sans moi qui le dis » (plus haut dans le texte).
2 Omnipotence : toute-puissance.
3 Point de locution : la position à partir de laquelle chacun s’exprime et prend la parole.
Question d’interprétation philosophique :
Qu’apporte l’usage personnel de la parole par rapport à son usage impersonnel ?
Question de réflexion littéraire :
La création littéraire vous semble-t-elle permettre de « relativiser le monde » ?
Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.