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Spécialité HLP Amérique du Nord Jour 1 Bac Général Session 2021

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Bac Général
Classe : 
Terminale
Centre d’examen :
 Amérique du Nord
Matière : Humanités, littérature et philosophie
Année : 2021
Session : Normale
Durée de l’épreuve : 4 heures
Repère de l’épreuve : 21HLPJ1AN1
L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.

Répartition des points :
Première partie : 10 points
Deuxième partie : 10 points

Le candidat traite au choix le sujet 1 ou le sujet 2

SUJET 1
La recherche de soi ; entrée : Les métamorphoses du moi

Bien des gens ne lisent que pour éloigner l’ennui, comme ils écoutent la radio,
regardent la « télé », les images, ou feuillettent les journaux. L’imprimé pullule et on pourrait dire, après tout, que les gens n’ont jamais tant lu. Mais il y a lire et lire. La vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir, mais pour se trouver.
Il y a un jour où tout inconsciemment on passe de l’un à l’autre. Ce peut n’être pas volontaire, mais l’effet du plaisir même, d’une sorte d’envoûtement dont un livre, qu’on tient dans ses mains et qu’on ne peut plus quitter, est la cause. Ce n’est pas non plus encore lire que de lire pour apprendre, pour savoir, pour s’informer, et pour des raisons professionnelles.
Joubert1 disait que « notre sort est d’admirer et non pas de savoir ». La vraie lecture est la chose la plus intime et la plus désintéressée, encore qu’il ne s’y agisse que de nous-mêmes.
C’est un temps qu’on se donne pour ne plus vivre par influence, par contagion, mais pour reconnaître, choisir son propre chemin et devenir soi-même. Un livre est un outil de liberté. Nous y découvrons la vie d’un autre, soit l’auteur, soit l’un des personnages qu’il a créés, et nous l’examinons avec une bien autre insistance et une bien autre loyauté que la nôtre propre, et ainsi devenons-nous un peu autres nous-mêmes sans y prendre garde. Un livre est un objet devant soi, quelque chose sur quoi on peut réfléchir, à quoi on peut revenir, qu’on peut corriger, contredire, discuter, quelque chose qu’on juge. Les images, les sons passent aussi vite que les moments successifs de la vie. Un écrit, un livre reste. Il faut devant lui dire oui ou non. Il fallait autrefois, pour former un homme, le tirer de son silence et lui faire entendre le chant du monde autour de lui. Il faut peut-être autant aujourd’hui le ramener à son silence, le sauver du bruit et le reconduire à la solitude. Un livre est une conversation et tout ensemble cependant un exercice de solitude. Je veux ici écarter l’anecdote toute personnelle, mais je repense souvent à ces nuits de mon adolescence, durant lesquelles je me battais avec le destin2 et découvrais dans les livres ce que pouvait être une vie libre par opposition à celle que je subissais. Lit-on un grand roman ? On s’identifie à son héros. On y vit par procuration. Et cela devient plus conscient, et vient le moment où on ne lit plus pour aucun intérêt, pour aucun profit, rien que pour « admirer », en toute gratuité et dans une joie indéfinissable, au-delà de soi-même. Dès lors, on devient de plus en plus difficile. On ne supporte plus les fantômes d’auteurs, les fantômes d’ouvrages. Mais un vrai livre est devenu la chose la plus précieuse. Un homme vous parle et il vous semble qu’il dise précisément ce que vous attendiez, ce que vous vouliez dire mais n’auriez jamais su dire. C’est tout simple et merveilleusement étrange. Ces mots, qui sont aussi vos mots, comme par l’effet d’un charme, sont doués soudain d’un nouveau pouvoir, et vous êtes curieusement débarrassé de vous-même et devenu un autre, plus fin, plus délicat, plus profond que vous-même. Vous êtes dans le monde où vous aimeriez vivre, mais vous n’aviez jamais imaginé qu’il pût être si beau.
Jean Guéhenno, Carnets du vieil écrivain, 1971.
1 Moraliste français (1754-1824)
2 Jean Guéhenno évoque, à travers cette expression, les années difficiles d’une enfance et d’une adolescence marquées par la pauvreté.

Première partie : interprétation littéraire
Pourquoi, selon Jean Guéhenno, la vraie lecture commence quand on lit « pour se trouver » ?

Deuxième partie : essai philosophique
Quels bénéfices le lecteur peut-il tirer de la fréquentation des œuvres littéraires ?
Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.

SUJET 2
L’humanité en question ; entrée : Histoire et violence

Parler de la Shoah, et comment ; ou bien ne pas en parler, et pourquoi ? Éternelle question. Le romancier israélien Aharon Appelfeld a écrit plusieurs livres superbes, notamment Histoire d’une vie, où il raconte son évasion du camp, alors qu’il a dix ans, et ses trois ans de cache dans la forêt ukrainienne. Il vient de publier trois discours prononcés en Israël. C’est un livre bouleversant dans lequel il analyse la Shoah en expliquant que ceux qui en ont été les victimes ne s’en sortent jamais. À sa lecture, je me suis rendu compte qu’au fond nous aurons toujours vécu avec cela. Certains répugnent à l’évoquer. D’autres ont besoin d’en parler. Mais tous vivent avec.
Appelfeld énonce les raisons pour lesquelles on ne peut plus s’en détacher. Elles sont terribles, et marquent la différence de nature avec la situation des résistants. Eux sont dans la position des héros, leur combat les couvre d’une gloire qu’accroît encore l’emprisonnement dont ils l’ont payée ; ils avaient choisi leur destin. Mais nous, nous n’avions rien choisi. Nous n’étions que des victimes honteuses, des animaux tatoués. Il nous faut donc vivre avec ça, et que les autres l’acceptent.
Tout ce qu’on peut dire, écrire, filmer sur l’Holocauste n’exorcise rien. La Shoah est omniprésente. Rien ne s’efface ; les convois, le travail, l’enfermement, les baraques, la maladie, le froid, le manque de sommeil, la faim, les humiliations, l’avilissement, les coups, les cris… non, rien ne peut ni ne doit être oublié. Mais au-delà de ces horreurs, seuls importent les morts. La chambre à gaz pour les enfants, les femmes, les vieillards, pour ceux qui attrapent la gale, qui clopinent, qui ont mauvaise mine ; et pour les autres, la mort lente. Deux mille cinq cents survivants sur soixante-dix-huit mille Juifs français déportés. Il n’y a que la Shoah. L’atmosphère de crématoire, de fumée et de puanteur de Birkenau, je ne l’oublierai jamais. Là-bas, dans les plaines allemandes et polonaises, s’étendent désormais des espaces dénudés sur lesquels règne le silence ; c’est le poids effrayant du vide que l’oubli n’a pas le droit de combler, et que la mémoire des vivants habitera toujours.
Simone Veil, Une Vie, 2007

Première partie : interprétation littéraire
De quelles manières Simone Veil fait-elle de la mémoire des vivants aussi une
mémoire des morts ?

Deuxième partie : essai philosophique
Témoigner de la violence, est-ce un besoin ou un devoir ?
Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.