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Spécialité HLP Asie Jour 1 Bac Général Session 2022

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Bac Général
Classe : 
Terminale
Centre d’examen :
 Asie
Matière : Humanités, littérature et philosophie
Année : 2022
Session : Normale
Durée de l’épreuve : 4 heures
Repère de l’épreuve : 22-HLPJ1JA1
L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.

Répartition des points :
Première partie : 10 points
Deuxième partie : 10 points

Le candidat traite au choix le sujet 1 ou le sujet 2

SUJET 1
Dans les années 1930, le narrateur, Bardamu, se fait engager dans les usines Ford à Detroit, aux États-Unis.
« Ça ne vous servira à rien ici vos études, mon garçon ! Vous nʼêtes pas venu
ici pour penser, mais pour faire les gestes quʼon vous commandera dʼexécuter… Nous nʼavons pas besoin dʼimaginatifs dans notre usine. Cʼest de chimpanzés dont nous avons besoin… Un conseil encore. Ne nous parlez plus jamais de votre intelligence ! On pensera pour vous mon ami ! Tenez-vous-le pour dit. »
Il avait raison de me prévenir. Valait mieux que je sache à quoi mʼen tenir sur
les habitudes de la maison. Des bêtises, jʼen avais assez à mon actif tel quel pour dix ans au moins. Je tenais à passer désormais pour un petit peinard. Une fois rhabillés, nous fûmes répartis en files traînardes, par groupes hésitants en renfort vers ces endroits dʼoù nous arrivaient les fracas énormes de la mécanique. Tout tremblait dans lʼimmense édifice et soi-même des pieds aux oreilles possédé par le tremblement, il en venait des vitres et du plancher et de la ferraille, des secousses, vibré de haut en bas. On en devenait machine aussi soi-même à force et de toute sa viande encore tremblotante dans ce bruit de rage énorme qui vous prenait le dedans et le tour de la tête et plus bas vous agitant les tripes et remontait aux yeux par petits coups précipités, infinis, inlassables. À mesure quʼon avançait on les perdait les compagnons. On leur faisait un petit sourire à ceux-là en les quittant comme si tout ce qui se passait était bien gentil. On ne pouvait plus ni se parler ni sʼentendre. Il en restait à chaque fois trois ou quatre autour dʼune machine.
On résiste tout de même, on a du mal à se dégoûter de sa substance, on
voudrait bien arrêter tout ça pour quʼon y réfléchisse, et entendre en soi son cœur battre facilement, mais ça ne se peut plus. Ça ne peut plus finir. Elle est en catastrophe cette infinie boîte aux aciers et nous on tourne dedans et avec les machines et avec la terre. Tous ensemble ! Et les mille roulettes et les pilons qui ne tombent jamais en même temps avec des bruits qui sʼécrasent les uns contre les autres et certains si violents quʼils déclenchent autour dʼeux comme des espèces de silences qui vous font un peu de bien.
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, (1932)

Première partie : interprétation littéraire
Quels sont les effets du travail à l’usine sur le personnage ?

Deuxième partie : essai philosophique
Les machines nous font-elles toujours violence ?

SUJET 2
Un désir est d’autant plus sauvage qu’il s’empare à lui seul de l’homme tout entier et que l’homme n’a pas encore appris à se différencier, en tant que généralité, par rapport à cette détermination. Quand je dis : ma passion est plus forte que moi, je fais bien une différence entre mon moi abstrait et la passion ; mais c’est là une distinction purement formelle qui signifie que je ne suis rien en comparaison de la passion. La sauvagerie de la passion résulte donc de l’unité qui existe entre mon moi général et la limitation à laquelle il est soumis, de sorte que je ne connais pas d’autre volonté que cette volonté limitée. On appelle un homme entier1 un homme qui concentre toute sa volonté sur une fin particulière.
C’est là la sauvagerie, force et puissance de l’homme dominé par les passions. Elle peut être adoucie par l’art, dans la mesure où celui-ci représente à l’homme les passions elles-mêmes, les instincts et, en général, l’homme tel qu’il est. Et en se bornant à dérouler le tableau des passions, l’art, alors même qu’il les flatte, le fait pour montrer à l’homme ce qu’il est, pour l’en rendre conscient. C’est déjà en cela que consiste son action adoucissante, car il met ainsi l’homme en présence de ses instincts, comme s’ils étaient en dehors de lui, et lui confère de ce fait une certaine liberté à leur égard. Sous ce rapport, on peut dire de l’art qu’il est un libérateur. Les passions perdent leur force, du fait même qu’elles sont devenues objets de représentations, objets tout court. L’objectivation2 des sentiments a justement pour effet de leur enlever leur intensité et de nous les rendre extérieurs, plus ou moins étrangers. Par son passage dans la représentation, le sentiment sort de l’état de concentration dans lequel il se trouvait en nous et s’offre à notre libre jugement. Il en est des passions comme de la douleur : le premier moyen que la nature met à notre disposition pour obtenir un soulagement d’une douleur qui nous accable, sont les larmes ; pleurer, c’est déjà être consolé. Le soulagement s’accentue ensuite au cours de conversations avec des amis, et le besoin d’être soulagé et consolé peut nous pousser jusqu’à composer des poésies. C’est ainsi que dès qu’un homme qui se trouve plongé dans la douleur et absorbé par elle est à même d’extérioriser cette douleur, il s’en sent soulagé, et ce qui soulage encore davantage, c’est son expression en paroles, en chants, en sons et en figures. Ce dernier moyen est encore plus efficace.
Hegel, Esthétique, (1818-1829), traduction S. Jankélévitch
1 « un homme entier » : en français dans le texte.
2 « objectivation » : passage d’un vécu intérieur à une réalité extérieure.

Première partie : interprétation littéraire
Selon ce texte, comment la représentation artistique de nos passions permet-elle de nous en libérer ?

Deuxième partie : essai philosophique
La littérature et les arts ont-ils vraiment un pouvoir consolateur ?