Bac Général
Classe : Terminale
Centre d’examen : Asie
Matière : Humanités, littérature et philosophie
Année : 2022
Session : Normale
Durée de l’épreuve : 4 heures
Repère de l’épreuve : 22-HLPJ2JA1
L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.
Répartition des points :
Première partie : 10 points
Deuxième partie : 10 points
Le candidat traite au choix le sujet 1 ou le sujet 2
SUJET 1
Dans cette scène, Kean, un célèbre acteur, conseille la jeune Anna qui souhaite devenir comédienne.
KEAN.
Oui, je suis roi, c’est vrai… trois fois par semaine à peu près, roi avec un sceptre de bois doré, des diamants de strass et une couronne de carton ; j’ai un royaume de trente-cinq pieds carrés, et une royauté qu’un bon petit coup de sifflet fait évanouir. Oh ! oui, oui, je suis un roi bien respecté, bien puissant, et surtout bien heureux, allez !
ANNA.
Ainsi, lorsque tout le monde vous applaudit, vous envie, vous admire…
KEAN.
Eh bien ! parfois, je blasphème, je maudis, je jalouse le sort du portefaix1, courbé sous son fardeau… du laboureur sur sa charrue, et du marin couché sur le pont du vaisseau.
ANNA.
Et si une femme, jeune, riche, et qui vous aimât, venait vous dire : Kean, ma fortune, mon amour, sont à vous… sortez de cet enfer qui vous brûle… de cette existence qui vous dévore… quittez le théâtre…
KEAN.
Moi ! moi ! quitter le théâtre… moi ! Oh ! vous ne savez donc pas ce que c’est que cette robe de Nessus2 qu’on ne peut arracher de dessus ses épaules qu’en déchirant sa propre chair : moi, quitter le théâtre, renoncer à ses émotions, à ses éblouissements, à ses douleurs ! moi, céder la place à Kemble et à Macready3, pour qu’on m’oublie au bout d’un an, au bout de six mois, peut-être ! Mais rappelez-vous donc que l’acteur ne laisse rien après lui, qu’il ne vit que pendant sa vie, que sa mémoire s’en va avec la génération à laquelle il appartient, et qu’il tombe du jour dans la nuit… du trône dans le néant… Non ! non ! lorsqu’on a mis le pied une fois dans cette fatale carrière, il faut la parcourir jusqu’au bout…, épuiser ses joies et ses douleurs, vider sa coupe et son calice4, boire son miel et sa lie5… Il faut finir comme on a commencé, mourir comme on a vécu… mourir comme est mort Molière, au bruit des applaudissements, des sifflets et des bravos !…Mais lorsqu’il est encore temps de ne pas prendre cette route, lorsqu’on n’a pas franchi la barrière… il n’y faut pas entrer… croyez-moi, miss, sur mon honneur ! croyez-moi.
Alexandre DUMAS, Kean (1836), Acte II, scène 4.
1 “portefaix” : celui dont le métier consiste à porter des fardeaux
2 “robe de Nessus” : tunique empoisonnée reçue en cadeau par Hercule et qui lui brûle la peau
3 “à Kemble et à Macready” : acteurs rivaux de Kean
4 “calice” : vase sacré
5 “lie” : dépôt amer du vin
Première partie : interprétation littéraire
Comment la personnalité de Kean est-elle liée à son métier d’acteur ?
Deuxième partie : essai philosophique
Jouer un rôle, est-ce trahir son identité ?
SUJET 2
Pour comprendre les causes complexes de la guerre, il faut concevoir la paix elle-même comme un processus se déroulant sans intervention de la force, et qui ne vise pas seulement à empêcher l’emploi de celle-ci, mais à instaurer les conditions réelles d’une coexistence sans tensions entre les groupes et entre les peuples. Les réglementations mises en place ne doivent léser ni l’existence ni la dignité des intéressés, et ne doivent pas non plus porter atteinte aux intérêts vitaux et aux sentiments de justice, au point que les parties en conflit, après avoir épuisé les possibilités qu’offrent les procédures judiciaires, finissent néanmoins par recourir à la force. Les programmes politiques qui sont fondés sur un tel concept de paix auront recours, avant tout emploi de la force militaire, à tous les moyens disponibles, y compris l’intervention humanitaire, afin d’agir sur la situation intérieure d’États formellement souverains pour y favoriser à la fois l’autosuffisance économique et des conditions sociales supportables, la participation démocratique, l’établissement de l’État de droit et la tolérance culturelle. De telles stratégies d’intervention non violente en faveur de processus de démocratisation tablent sur le fait que, en raison des interdépendances planétaires, tous les États dépendent aujourd’hui de leur environnement et sont sensibles au pouvoir des influences indirectes, exercées « en douceur », qui peuvent aller jusqu’à des sanctions économiques explicites.
HABERMAS, L’intégration républicaine, « Les droits de l’homme. À l’échelle mondiale et au niveau de l’État » (1996).
Traduit de l’allemand par Rainer Rochlitz (revue)
Première partie : interprétation littéraire
Comment Habermas montre-t-il que la paix n’est pas une simple absence de guerre ?
Deuxième partie : essai philosophique
Comment la littérature et les autres arts peuvent-ils contribuer à la paix ?