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Spécialité HLP Métropole Jour 1 Bac Général Session de Remplacement 2021

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Bac Général
Classe : 
Terminale
Centre d’examen :
 Métropole
Matière : Humanités, littérature et philosophie
Année : 2021
Session : Remplacement
Durée de l’épreuve : 4 heures
Repère de l’épreuve : 21-HLPJ1ME3
L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.

Répartition des points :
Première partie : 10 points
Deuxième partie : 10 points

Le candidat traite au choix le sujet 1 ou le sujet 2

SUJET 1
Le bossu Triboulet, bouffon à la cour du roi François 1er, fait rire en se moquant cruellement des courtisans. Maudit par l’une de ses victimes, il s’est retiré, à l’écart de la cour. Le monologue est précédé de la didascalie suivante : « Triboulet – Profondément rêveur et la main sur son front ».

Ah ! la nature et les hommes m’ont fait
Bien méchant, bien cruel et bien lâche en effet !
Ô rage ! être bouffon ! ô rage ! être difforme !
Toujours cette pensée ! et, qu’on veille ou qu’on dorme,
Quand du monde en rêvant vous avez fait le tour,
Retomber sur ceci : Je suis bouffon de cour !
Ne vouloir, ne pouvoir, ne devoir et ne faire
Que rire ! — Quel excès d’opprobre1 et de misère !
Quoi ! ce qu’ont les soldats, ramassés en troupeau
Autour de ce haillon2 qu’ils appellent drapeau,
Ce qui reste, après tout, au mendiant d’Espagne,
À l’esclave en Tunis, au forçat dans son bagne,
À tout homme ici-bas qui respire et se meut,
Le droit de ne pas rire et de pleurer, s’il veut,
Je ne l’ai pas ! — Ô Dieu ! triste et l’humeur mauvaise,
Pris dans un corps mal fait où je suis mal à l’aise,
Tout rempli de dégoût de ma difformité,
Jaloux de toute force et de toute beauté,
Entouré de splendeurs qui me rendent plus sombre,
Parfois, farouche et seul, si je cherche un peu l’ombre,
Si je veux recueillir et calmer un moment
Mon âme qui sanglote et pleure amèrement,
Mon maître tout à coup survient, mon joyeux maître,
Qui, tout-puissant, aimé des femmes, content d’être,
À force de bonheur oubliant le tombeau,
Grand, jeune, et bien portant, et roi de France, et beau,
Me pousse avec le pied dans l’ombre où je soupire,
Et me dit en bâillant : Bouffon ! fais-moi donc rire !
— Ô pauvre fou de cour ! — C’est un homme, après tout.
— Eh bien ! la passion qui dans son âme bout,
La rancune, l’orgueil, la colère hautaine,
L’envie et la fureur dont sa poitrine est pleine,
Le calcul éternel de quelque affreux dessein3,
Tous ces noirs sentiments qui lui rongent le sein,
Sur un signe du maître, en lui-même il les broie,
Et, pour quiconque en veut, il en fait de la joie !
Victor HUGO, Le Roi s’amuse, Acte II, scène 2, (1832).

1 « opprobre » : honte
2 « haillon » : vieux morceau d’étoffe servant de vêtement
3 « dessein » : projet

Première partie : interprétation littéraire
Pourquoi peut-on dire que Triboulet éprouve une intense souffrance ?

Deuxième partie : essai philosophique
Notre position sociale nous empêche-t-elle d’être nous-mêmes ?

SUJET 2
Hannah Arendt a tenu toute sa vie un Journal de pensée dans lequel elle a
rédigé des notes diverses qui ont préparé ses livres philosophiques. En 1953, elle réfléchit notamment à la question de la guerre.

À propos de la question de la guerre : c’est seulement parce que nous savons
que nous devons mourir, par conséquent en mettant les choses au pis1, parce qu’on se dessaisit de quelque chose qui nous sera de toute façon enlevé, qu’on peut risquer sa vie pour quelque chose. Si nous étions immortels (non pas comme les dieux qui sont condamnés à l’être et pour lesquels il n’existe pour cette raison pas de liberté en général) de telle sorte que nous puissions mourir, mais sans y être obligés, aucun enjeu au nom duquel on pourrait risquer sa vie ne serait pensable : la vie deviendrait simplement un absolu en dehors duquel il n’y aurait tout bonnement rien.
On ne peut sacrifier sa vie qu’à la liberté parce qu’en dehors de sa propre vie il n’existe pas de vie du genre humain qui la dépasse. Au cas où l’immortalité de notre propre vie serait possible, la vie en tant que telle deviendrait quelque chose d’absolu, au sens où tout ce qu’on appelle les « valeurs » ne pourraient se mouvoir qu’au sein de cette vie.
C’est précisément à cette immortalité possible mais non assurée qu’est en
premier lieu confronté chaque peuple, et en définitive le genre humain. C’est
pourquoi les politiciens nationaux peuvent bien mettre en jeu la puissance politique et même la liberté politique de leur peuple, mais jamais toutefois son existence physique elle-même, puisque de celle-ci dépend précisément le fait qu’il puisse y avoir en général quelque chose comme une politique. Compte tenu de son immortalité potentielle, un peuple ne peut jamais être mis en jeu au nom de quelque chose d’autre. Les limites de toute politique consistent en ce qu’elles doivent respecter cette possibilité, la protéger, la garantir. Tout cela est à plus forte raison valable pour l’humanité. Aucune guerre ne devrait avoir le droit de mettre en jeu l’existence de l’humanité. Or c’est précisément cela qui est devenu une possibilité, un risque possible et redouté. La liberté, la justice, etc., seraient des mots vides s’il s’agissait de la pérennité2 physique de l’humanité ou de la pérennité terrestre de son habitat, la terre. À l’heure où une destruction de toute vie sur terre ou la destruction de la terre elle-même n’est pensable que comme une sorte de « surprise de la technique », on ne peut plus attendre d’aucun peuple qu’il prenne le risque de la guerre.
Hannah Arendt, Journal de pensée, (1953)
– traduction Sylvie Courtine-Denamy.

1 « au pis » : au pire
2 « pérennité » : permanence

Première partie : interprétation littéraire
À quelles conditions peut-on, selon Hannah Arendt, prendre le risque de la guerre ?

Deuxième partie : essai philosophique
La littérature et les arts peuvent-ils représenter la guerre sans la dénoncer ?