Bac Général
Classe : Terminale
Centre d’examen : Métropole
Matière : Humanités, littérature et philosophie
Année : 2021
Session : Remplacement
Durée de l’épreuve : 4 heures
Repère de l’épreuve : 21-HLPJ2ME3
L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.
Répartition des points :
Première partie : 10 points
Deuxième partie : 10 points
Le candidat traite au choix le sujet 1 ou le sujet 2
SUJET 1
Qu’est-ce que je fais ici?
J’appelle.
J’appelle.
J’appelle.
Je ne sais pas qui j’appelle.
Qui j’appelle ne sait pas.
J’appelle quelqu’un de faible,
quelqu’un de brisé,
quelqu’un de fier que rien n’a pu briser.
J’appelle.
J’appelle quelqu’un de là-bas,
quelqu’un au loin perdu,
quelqu’un d’un autre monde.
(C’était donc tout mensonge, ma solidité ?)
J’appelle.
Devant cet instrument si clair,
ce n’est pas comme ce serait avec ma voix sourde.
Devant cet instrument chantant qui ne me juge pas,
qui ne m’observe pas,
perdant toute honte, j’appelle,
j’appelle,
j’appelle du fond de la tombe de mon enfance qui boude et se contracte encore,
du fond de mon désert présent,
j’appelle,
j’appelle.
L’appel m’étonne moi-même.
Quoique ce soit tard, j’appelle.
Pour crever mon plafond sans doute surtout
j’appelle.
Henri Michaux, « Passages », L’espace du dedans, (1966)
Première partie : interprétation littéraire
Ce poème nous permet-il de savoir quels sont les destinataires et le sens de l’appel qui s’y trouve formulé ?
Deuxième partie : essai philosophique
Michaux écrit : « (C’était donc tout mensonge, ma solidité ?) » : Quelle idée se fait-on du moi lorsqu’on lui refuse toute « solidité » ?
SUJET 2
L’existence de cette agressivité que nous pouvons éprouver en nous-mêmes et supposons à bon droit chez autrui, tel est l’élément qui perturbe nos rapports avec notre prochain et contraint la civilisation à tout ce qu’elle met en œuvre. Du fait de cette hostilité primaire des êtres humains les uns envers les autres, la société civilisée est constamment menacée de se désagréger. L’intérêt de la communauté de travail ne la maintiendrait pas soudée, les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts raisonnables. La civilisation doit tout mettre en œuvre pour dresser des barrières devant les instincts agressifs des hommes, pour en réduire les manifestations par des dispositifs psychiques qui réagissent contre. D’où le recours, donc, à des méthodes visant à inciter les êtres humains à des identifications et à des relations d’amour n’aboutissant pas, d’où la restriction imposée à la vie sexuelle et d’où, également, le commandement idéal d’aimer son prochain comme soi-même, qui se justifie en réalité par le fait que rien n’est plus contraire à la nature originelle de l’homme. Quelques peines qu’il ait coûtées, cet effort de la civilisation n’a pas, jusqu’ici, remporté grand succès. Les plus grossiers débordements de force brutale, la civilisation espère y faire obstacle en s’arrogeant le droit d’exercer elle-même la violence contre les criminels ; mais les manifestations plus prudentes et plus subtiles de l’agressivité humaine, la loi n’a pas prise sur elles. Chacun de nous en vient à laisser tomber comme autant d’illusions les attentes que, dans sa jeunesse, il rattachait à ses semblables, et chacun peut constater combien la vie lui est rendue difficile et douloureuse par leur malignité1. Pour autant, il serait injuste de reprocher à la civilisation de vouloir exclure des actions humaines concurrences et conflits. Ceux-ci sont sûrement indispensables, mais l’antagonisme n’est pas nécessairement de l’hostilité, il n’est qu’abusivement pris pour prétexte de celle-ci.
Sigmund FREUD, Le Malaise dans la civilisation (1930), traduit de l’allemand par Bernard Lotholary.(2010).
1 « malignité » : méchanceté.
Première partie : interprétation littéraire
D’après ce texte, comment la civilisation peut-elle répondre à l’agressivité ?
Deuxième partie : essai philosophique
La représentation de la violence dans la littérature et les arts constitue-t-elle un frein à l’agressivité de l’être humain ?