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Spécialité HLP Polynésie Jour 1 Bac Général Session 2022

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Bac Général
Classe : 
Terminale
Centre d’examen :
 Polynésie
Matière : Humanités, littérature et philosophie
Année : 2022
Session : Normale
Durée de l’épreuve : 4 heures
Repère de l’épreuve : 22HLPJ1PO1
L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.

Répartition des points :
Première partie : 10 points
Deuxième partie : 10 points

Le candidat traite au choix le sujet 1 ou le sujet 2

SUJET 1
Par les beaux jours d’été, il1 nous emmenait parfois, après le dîner, faire un tour au Luxembourg2 ; nous mangions des glaces, à une terrasse de la place Médicis, et nous traversions à nouveau le jardin dont la sonnerie d’un clairon annonçait la fermeture. J’enviais aux habitants du Sénat leurs rêveries nocturnes, dans les allées désertes. La routine de mes journées avait autant de rigueur que le rythme des saisons : le moindre écart me jetait dans l’extraordinaire. Marcher dans la douceur du crépuscule, à l’heure où d’habitude maman verrouillait la porte d’entrée, c’était aussi surprenant, aussi poétique qu’au cœur de l’hiver une aubépine en fleur.
Il y eut un soir tout à fait insolite où nous bûmes un chocolat, à la terrasse de Prévost, face à l’immeuble du Matin3. Un journal lumineux annonçait les péripéties du match qui se déroulait à New York entre Carpentier et Dempsey4. Le carrefour était noir de monde. Quand Carpentier fut mis K.-O., il y eut des hommes et des femmes qui fondirent en larmes ; je rentrai à la maison toute fière d’avoir assisté à ce grand événement. Mais je n’aimais pas moins nos soirées quotidiennes dans le bureau
calfeutré ; mon père nous lisait Le Voyage de M. Perrichon5, ou bien nous lisions, côte à côte, chacun pour soi. Je regardais mes parents, ma sœur, et j’avais chaud au cœur.
« Nous quatre ! » me disais-je avec ravissement. Et je pensais : « Que nous sommes heureux ! »
Une seule chose, par instants, m’assombrissait : un jour, je le savais, cette
période de ma vie s’achèverait. Cela ne paraissait pas vraisemblable. Quand on a aimé ses parents pendant vingt ans, comment peut-on, sans mourir de douleur, les quitter pour suivre un inconnu ? et comment peut-on, alors qu’on s’est passé de lui pendant vingt ans, se mettre à aimer du jour au lendemain un homme qui ne vous est rien ? J’interrogeai papa : « Un mari, c’est autre chose », répondit-il ; il eut un petit sourire qui ne m’éclaira pas. Je considérais toujours avec déplaisir le mariage. Je n’y voyais pas une servitude, car maman n’avait rien d’une opprimée ; c’était la promiscuité qui me rebutait. « Le soir, au lit, on ne peut même pas pleurer tranquillement si on en a envie ! » me disais-je avec effroi. Je ne sais pas si mon bonheur était entrecoupé de crises de tristesse, mais souvent la nuit je me faisais pleurer pour le plaisir ; m’obliger à réfréner ces larmes, c’eût été me refuser ce minimum de liberté dont j’avais un impérieux besoin. Tout le jour, je sentais des regards braqués sur moi ; j’aimais mon entourage, mais quand je me couchais le soir, j’éprouvais un vif soulagement à l’idée de vivre enfin quelques instants sans témoin ; alors, je pouvais m’interroger, me souvenir, m’émouvoir, prêter l’oreille à ces rumeurs timides que la présence des adultes étouffe. Il m’eût été odieux qu’on me privât de ce répit. Il me fallait échapper au moins quelques instants à toute sollicitude et me parler en paix sans que personne m’interrompît.
Simone de Beauvoir, Mémoires d’une jeune fille rangée (1958)
1 Il s’agit du père de Simone de Beauvoir.
2 Le Jardin du Luxembourg qui jouxte le Sénat à Paris.
3 Le Matin, journal quotidien créé en 1883.
4 Allusion au « combat du siècle » entre les champions de boxe Jack Dempsey et Georges Carpentier, le 2 juillet 1921.
5 Le Voyage de M. Perrichon, comédie d’Eugène Labiche et Edouard Martin, représentée pour la première fois à Paris en 1860.

Première partie : interprétation littéraire
Pourquoi le passage de l’enfance à l’âge adulte effraie-t-il Simone de Beauvoir ?

Deuxième partie : essai philosophique
Est-on le même à tous les âges de la vie ?

SUJET 2
L’artifice humain du monde sépare l’existence humaine de tout milieu purement animal, mais la vie elle-même est en dehors de ce monde artificiel, et par la vie l’homme demeure lié à tous les autres organismes vivants. Depuis quelques temps, un grand nombre de recherches scientifiques s’efforcent de rendre la vie « artificielle » elle aussi, et de couper le dernier lien qui maintient encore l’homme parmi les enfants de la nature. C’est le même désir d’échapper à l’emprisonnement terrestre qui se manifeste dans les essais de création en éprouvette, dans le vœu de combiner « au microscope le plasma germinal provenant de personnes aux qualités garanties, afin de produire des êtres supérieurs » et « de modifier (leurs) tailles, formes et fonctions » ; et je soupçonne que l’envie d’échapper à la condition humaine expliquerait aussi l’espoir de prolonger la durée de l’existence fort au-delà de cent ans, limite jusqu’ici admise.
Cet homme futur, que les savants produiront, nous disent-ils, en un siècle pas davantage, paraît en proie à la révolte contre l’existence humaine telle qu’elle est donnée, cadeau venu de nulle part (laïquement parlant) et qu’il veut pour ainsi dire échanger contre un ouvrage de ses propres mains. Il n’y a pas de raison de douter que nous soyons capables de faire cet échange, de même qu’il n’y a pas de raison de douter que nous soyons capables à présent de détruire toute vie organique sur terre.
La seule question est de savoir si nous souhaitons employer dans ce sens nos nouvelles connaissances scientifiques et techniques, et l’on ne saurait en décider par des méthodes scientifiques. C’est une question politique primordiale que l’on ne peut guère, par conséquent, abandonner aux professionnels de la science ni à ceux de la politique.
Hannah Arendt, La condition de l’homme moderne (1958),
trad. G. Fradier

Première partie : interprétation littéraire
Selon Hannah Arendt, est-il souhaitable pour l’être humain d’échapper à sa condition ?

Deuxième partie : essai philosophique
Quels sont les pouvoirs de la littérature pour donner sens à la vie humaine ?