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Spécialité Latin Asie Bac Général Session 2025

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Bac Général
Classe : 
Terminale
Centre d’examen :
 Asie
Matière : Latin
Année : 2025
Session : Normale
Durée de l’épreuve : 4 heures
Repère de l’épreuve : 25-LLCALAG11
L’usage du dictionnaire latin-français est autorisé
La calculatrice n’est pas autorisée.

Partie 1 – étude de la langue 10 points
Partie 2 – compréhension et interprétation 10 points

TEXTE 1
La folie s’empare de Médée, qui envisage et rejette en même temps le meurtre de ses enfants.
965 MEDEA. – Fige luminibus faces,
Iania, perure, pectus en Furiis patet.
Discedere a me, frater, ultrices deas
manesque ad imos ire securas iube :
mihi me relinque et utere hac, frater, manu
970 quae strinxit ensem : – uictima manes tuos
placamus ista. – Quid repens affert sonus ?
Parantur arma meque in exitium petunt.
Excelsa nostrae tecta conscendam domus
caede inchoata. Perge tu mecum comes.
975 Tuum quoque ipsa corpus hinc mecum aueham.
Nunc hoc age, anime : non in occulto tibi est
perdenda uirtus ; approba populo manum.
[En gras, le texte de la traduction]
IASON. – Quicumque regum cladibus fidus doles,
concurre, ut ipsam sceleris auctorem horridi
980 capiamus. Huc, huc, fortis, armiferi, cohors,
conferte tela, uertite ex imo domum.
MED. – Iam iam recepi sceptra, germanum, patrem,
spoliumque Colchi pecudis auratae tenent ;
rediere regna, rapta uirginitas redit.
985 O placida tandem numina, o festum diem,
o nuptialem ! Vade, perfectum est scelus,
uindicta nondum : perage dum faciunt manus.
Quid nunc moraris, anime ? Quid dubitas ? Potens
iam cecidit ira ? – Paenitet facti, pudet.
990 Quid misera feci ? Misera ? Paeniteat licet,
feci ;
– uoluptas magna me inuitam subit
et ecce crescit. Derat hoc unum mihi
spectator iste. Nil adhuc facti reor :
quicquid sine isto fecimus sceleris perit.
995 IAS. – En ipsa tecti parte praecipiti imminet.
Huc rapiat ignes aliquis, ut flammis cadat
suis perusta.
MED. – Congere extremum tuis
natis, Iason, funus ac tumulum strue :
coniunx socerque iusta iam functis habent,
1000 a me sepulti ; natus hic fatum tulit,
hic te uidente dabitur exitio pari.
IAS. – Per numen omne perque communes fugas
torosque, quos non nostra uiolauit fides,
iam parce nato. Si quod est crimen, meum est.
1005 Me dedo morti ; noxium macta caput.
MED. – Hac qua recusas, qua doles, ferrum exigam.
I nunc, superbe, uirginum thalamos pete,
relinque matres.
IAS. – Vnus est poenae satis.
MED. – Si posset una caede satiari manus,
1010 nullam petisset. Vt duos perimam, tamen
nimium est dolori numerus angustus meo.
In matre si quod pignus etiamnunc latet,
scrutabor ense uiscera et ferro extraham.
IAS. – Iam perage coeptum facinus, haut ultra precor,
1015 moramque saltem supplicis dona meis.
MED. – Perfruere lento scelere, ne propera, dolor :
meus dies est ; tempore accepto utimur.
IAS. – Infesta, memet perime.
MED. – Misereri iubes.
Bene est ; peractum est. Plura non habui, dolor,
1020 quae tibi litarem. Lumina huc tumida alleua,
ingrate Iason. Coniugem agnoscis tuam ?
Sic fugere soleo. Patuit in caelum uia :
squamosa gemini colla serpentes iugo
summissa praebent. Recipe iam gnatos, parens :
1025 ego inter auras aliti curru uehar.
IAS. – Per alta uade spatia sublimi aetheris
testare nullos esse, quae ueheris, deos.
Sénèque, Médée, v. 965 à 1027.
Texte établi par F.-R. Chaumartin, Paris, Les Belles Lettres, 1996.

Traduction
965 MÉDÉE. – Plonge en mes yeux tes torches,
Brûle, déchire-moi, mon sein s’ouvre aux Furies,
Vois, frère, ordonne à ces déesses vengeresses,
Me laissant, de plonger tranquilles chez les mânes,
Livre-moi à moi-même et sers-toi de ma main,
970 Frère, j’ai dégainé. Pour apaiser tes mânes
La victime est ici. (Elle tue un de ses fils) Que signifie ce bruit,
On s’arme, on me recherche, on veut me mettre à mort ?
Je vais monter en haut du toit de la maison
Achever la tuerie. (À la nourrice) Viens avec moi, compagne,
975 J’enlèverai d’ici ton corps avec le mien.
Allons, mon âme, agis, mais non plus en cachette,
Démontre ta valeur, montre ton bras au peuple !
LES MÊMES, JASON, SOLDATS
[Texte de la traduction]
MÉDÉE. – Malgré moi un grand plaisir m’en prend,
Et voici qu’il culmine, il n’y manquait que toi,
Ah, oui, pour spectateur ! Je n’ai rien fait encor,
Commis loin de tes yeux, j’ai manqué tous mes crimes !
995 JASON, aux soldats. – Elle est là, sur le toit, penchée à la terrasse,
Qu’on y boute le feu, que par ses propres flammes
Elle tombe brûlée !
MÉDÉE. – Apprête ces honneurs,
Jason, pour tes enfants, pour eux tertre et bûcher !
Ta femme et ton beau-père ont eu leurs funérailles,
1000 Je les ai célébrées, déjà ce fils périt,
L’autre, c’est sous tes yeux qu’il recevra la mort !
JASON. – Au nom de tous les dieux, de nos fuites communes,
De notre hymen dont je n’ai pas violé la foi,
Grâce pour notre enfant. S’il est un criminel,
1005 C’est moi, fais-moi périr, immole un chef coupable.
MÉDÉE. – Je porterai mon fer où ta douleur regimbe1,
Cours les vierges, superbe, abandonnant les mères,
Va, maintenant !
JASON. – Un seul suffit à me punir.
MÉDÉE. – Si un seul meurtre eût pu suffire à cette main,
1010 Elle n’eût pas tué. Même tuer les deux
Sera encor trop peu pour mon ressentiment :
Si quelque enfant encor se cachait dans mon ventre,
Le fouillant de mon fer je l’en arracherais.
JASON. – Va, je ne te prie plus, parachève ton crime,
1015 Épargne-moi l’attente, abrège mon supplice !
MÉDÉE. – Prolonge ton plaisir, ma rancœur, jouis sans hâte,
Ce jour est mien, j’use du temps qu’on m’accorda.
JASON. – Tue-moi, toi qui me hais !
MÉDÉE. – Me demander merci ?
(Elle tue son second fils) Voilà, c’est bien, c’est fait, je n’avais rien de plus
1020 À t’offrir, ma rancœur. Lève tes yeux gonflés,
Ingrat Jason, reconnais-tu bien ton épouse ?
(Elle s’est transfigurée, un char ailé descend des nues)
C’est ainsi que je fuis d’ordinaire. Le ciel
S’ouvre à moi, deux serpents tendent leurs cous squameux2
Au joug, et à présent, père, reçois tes fils,
1025 Moi, sur mon char ailé, je vais voler aux nues !
(Elle lui jette les cadavres, monte dans le char avec la nourrice et disparaît dans les airs)
JASON. – Oui, va-t’en tout en haut des éthers témoigner
Là où tu te rendras, qu’il n’existe nul dieu !
RIDEAU
Sénèque, Médée, v. 965 à 1027.
Texte traduit par O. Sers, Paris, Les Belles Lettres, 2019.
1 Regimber : comprendre ici « persister ».
2 Squameux : ici, « recouvert d’écailles ».

TEXTE 2
Médée a réclamé à Deaf Daisy une robe rouge pour assister au futur mariage de Jason. Deaf Daisy la lui apporte ; Médée promet alors un feu d’artifice pour la noce.
DEAF DAISY chante. Lorsque je vins dans le pays étranger,
pour te chercher, mon coeur, pour te chercher – …
Elle donne à Médée un sac-poubelle noir.
DEAF DAISY. Dans ce sac-poubelle, sœur, se trouvent les trésors de l’East River. Manie
5 ça avec prudence, ils explosent facilement.
MÉDÉE. Que demandes-tu.
DEAF DAISY. Certains plaisirs sont bon marché, alors personne n’en veut, certains sont absolument hors de prix, ça les rend désirables. Une facture pour les clients de l’Uptown, qui se prosternent si facilement devant la loi de la plus-value qu’ils forceraient
10 volontiers leur nuque sous son talon dur, pour pouvoir savourer pleinement le plaisir de la soumission, car au fond ce sont eux qui payent la dominatrice du marché. Je ne suis encore jamais montée sur ce manège, j’écoute seulement la mélodie, une vraie litanie tant le disque est rayé. Disons, je donne ce sac-poubelle pour un spectacle. Ce sera une comédie, ce sera une tragédie, aucune importance tant que c’est une
15 véritable pièce.
MÉDÉE. Je vais t’offrir un feu d’artifice. L’innocence doit brûler.
DEAF DAISY. Un feu d’artifice. Quel jour sommes-nous. L’indépendance, la fêter sur l’East River. Ça va donner du travail aux sirènes. Ça ne fait qu’exploser et ça se multiplie en l’air, par mille, resplendit et se consume, et n’a nulle autre comète à ses
20 côtés qu’artificielle. Et nous nous réjouissons et nous étonnons de notre propre miracle. Oui. Une vie pour un feu d’artifice.
MÉDÉE. Puis-je le faire. Puis-je le faire.
Ils disent qu’elle est jeune. Belle. Dois-je avoir pitié de la beauté.
DEAF DAISY. Beauté – le mensonge dans l’œil du spectateur. Célébrons l’imperfection
25 comme belle.
MÉDÉE. Et on cherchera son âme. Quelque chose que l’on peut ensevelir et pleurer.
DEAF DAISY. On sera très triste si elle ne se laisse pas trouver. Où pouvons-nous bien l’avoir oubliée. Qu’allons-nous alors mettre dans l’urne. Une boîte en fer-blanc avec de la poussière, absurde. Ils n’auront qu’à empailler le bichon et le poser sur la tombe.
30 Que ça ressemble au moins à quelque chose.
MÉDÉE. Quelle mort cruelle. Et pourtant pas aussi cruelle que ma souffrance.
DEAF DAISY. Un feu d’artifice – qui réduit en cendres les anges de cette ville, qui depuis longtemps ont perdu leur âme. Leurs visages blêmes deviennent écarlates, flambent, et se dissipent, poussière grise, dans le néant. – De loin on entend encore, peut-être,
35 le soupir d’un violon. Puis c’est le silence.
Silence.
Pauvres de nous.
Deaf Daisy se retire dans un coin et attend, observant.
Dea Loher, Manhattan Medea, p. 106-107
Traduction de l’allemand par O. Balagna et L. Muhleisen,
Paris, éditions de L’Arche, 2001.

TEXTE 3
Dans cette pièce de théâtre, Agamemnon accepte de sacrifier sa fille Iphigénie pour obtenir des vents favorables permettant à la flotte grecque de rejoindre
Troie. Le messager fait le récit du sacrifice.
LE MESSAGER. – Eh bien, ma chère maîtresse, tu vas tout savoir exactement. Je prendrai les faits du début, à moins que le trouble de mon esprit n’égare ma langue au cours de mon récit.
Or donc, nous sommes arrivés au bosquet de la fille de Zeus, Artémis, et à ses
5 prés fleuris, où devait se rassembler l’armée achéenne. Nous conduisions ton enfant.
Aussitôt les Argiens s’y pressent en foule. Quand le roi Agamemnon aperçut sa fille qui, marchant au supplice, pénétrait dans le bois, il poussa un gémissement.
Détournant la tête, il versait des larmes, le manteau tendu devant les yeux.
Elle vint se placer près de son père et lui dit : « Père, me voici. Je livre ma
10 personne pour ma patrie et pour la terre de Grèce tout entière : sacrifiez-moi, j’y consens, menez-moi à l’autel de la déesse, puisque l’oracle l’exige. Autant qu’il dépend de moi, soyez heureux, obtenez la victoire pour vos armes et regagnez le sol de la patrie. Aussi, qu’aucun Argien ne porte la main sur moi : je tendrai ma gorge en silence, courageusement. »
15 Elle n’en dit pas plus. Chacun à l’entendre fut frappé de stupeur devant la
grandeur d’âme et la vaillance de la vierge. Se dressant au milieu de la foule,
Talthybios1 , dont c’était l’office, prescrivit à l’armée le silence rituel. Le devin Calchas déposa dans la corbeille d’or l’épée acérée qu’il avait tirée du fourreau, puis couronna la jeune fille. Le fils de Pélée prit la corbeille et l’eau lustrale, il décrivit un cercle autour
20 de l’autel de la déesse en l’aspergeant, et dit : « Fille de Zeus, chasseresse, toi qui fais tourner dans la nuit ton flambeau brillant, agrée ce sacrifice que nous t’offrons, l’armée grecque et le roi Agamemnon ensemble, le sang pur de cette belle gorge virginale.
Accorde à nos marins une traversée sans dommages et à nos armes la conquête de la citadelle troyenne ! »
25 Les Atrides et toute l’armée restaient immobiles, les yeux fixés à terre. Le prêtre saisit l’épée, prononça l’invocation et choisit l’endroit de la gorge où il devrait frapper.
Moi aussi, je sentais une terrible angoisse me pénétrer le cœur et je restais la tête baissée. Soudain un prodige se manifeste à nos yeux : chacun avait entendu distinctement résonner le coup, mais on ne voyait pas en quel endroit de la terre la
30 jeune fille avait disparu. Le prêtre pousse alors un cri et toute l’armée lui fait écho, à la vue d’un miracle inouï, œuvre de quelque divinité, devant lequel on ne pouvait même en croire ses yeux : une biche palpitante gisait sur le sol, d’une taille immense et d’une admirable beauté. Son sang ruisselait à flots sur l’autel de la déesse. A cet instant, avec la joie que tu devines, Calchas dit : « Chefs de cette armée des Achéens unis,
35 voyez-vous la victime que la déesse a déposée sur l’autel, une biche des montagnes ?
Elle l’agrée de préférence à la jeune fille pour ne pas souiller son autel d’un sang généreux. Ainsi satisfaite, elle nous accorde des vents favorables pour aller attaquer Ilion. »
Euripide, Iphigénie à Aulis, v.1540 à 1597
Traduction du grec par F. Jouan, Paris, Les Belles Lettres, 2023.
1 Talthybios est le héraut d’Agamemnon, chargé d’inaugurer la cérémonie du sacrifice.

PARTIE 1 – Étude de la langue (10 points)

1. Traduction (6 points)
IASON. – Quicumque regum cladibus fidus doles1,
concurre, ut ipsam sceleris auctorem horridi
980 capiamus. Huc, huc, fortis, armiferi, cohors,
conferte tela, uertite ex imo2 domum.
MEDEA. – Iam iam recepi3 sceptra, germanum, patrem,
spoliumque Colchi pecudis auratae tenent ;
rediere4 regna, rapta uirginitas redit.
985 O placida tandem numina, o festum diem,
o nuptialem ! Vade, perfectum est scelus,
uindicta nondum : perage dum faciunt5 manus.
Quid nunc moraris, anime ? Quid dubitas ? Potens
iam cecidit ira ? – Paenitet facti6 , pudet.
Quid misera feci ? Misera ? Paeniteat licet7 990 ,
feci ;
Sénèque, Médée, v. 978 à 991.
Notes
1 Quicumque regum cladibus fidus doles : « toi qui, avec loyauté, souffres des malheurs de tes rois » (Jason s’adresse au peuple).
2 Ex imo : « en profondeur, de fond en comble ».
3 Recipio : ici, « retrouver ».
4 Rediere = redierunt.
5 Ici facio signifie « agir ».
6 Paenitet facti : je me repens de mon action (tournure impersonnelle traduite par une première personne du singulier).
7 Lire licet paeniteat ; licet + subjonctif : « bien que, même si ».

2. Lexique (2 points)
Donnez en contexte le sens du mot spectator, v. 993.

3. Fait de langue (2 points)
a) Analysez la construction grammaticale de l’expression te uidente, v. 1001. (1 point)
b) Que révèle-t-elle du rôle de chacun des personnages ? (1 point)

PARTIE 2 – Compréhension et interprétation (10 points)
Dans quelle mesure la dimension spectaculaire se manifeste-t-elle dans ces pièces de théâtre ?
Votre réponse prendra la forme d’un essai organisé et argumenté. Vous prendrez appui sur les trois textes du corpus, sur votre connaissance des deux œuvres composant le programme limitatif, sur celle des textes ou documents étudiés dans le cadre des différents objets d’étude, sur le portfolio, sur vos lectures personnelles et, le cas échéant, sur les connaissances acquises dans l’autre langue ancienne.