Bac Général
Classe : Terminale
Centre d’examen : Métropole
Matière : Humanités, littérature et philosophie
Année : 2023
Session : Normale
Durée de l’épreuve : 4 heures
Repère de l’épreuve : 23-HLPJ2ME1
L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.
Répartition des points :
Première partie : 10 points
Deuxième partie : 10 points
Ce qu’on appelle le « moi ». La langue et les préjugés sur lesquels elle est
fondée sont souvent des obstacles pour sonder nos processus internes et nos pulsions, notamment parce qu’il n’existe véritablement de mot que pour les degrés superlatifs de ces processus et de ces pulsions. Or, là où les mots nous manquent, nous sommes accoutumés à ne plus faire d’observations précises parce qu’il nous est pénible alors de penser avec précision ; et même autrefois on décidait sans trop réfléchir que là où cesse le royaume des mots cesse également le royaume de l’être. La colère, la haine, l’amour, la pitié, le désir, la connaissance, la joie et la douleur, autant de noms pour des états extrêmes : les degrés intermédiaires et atténués, et même les degrés inférieurs toujours présents, nous échappent, et pourtant ce sont eux justement qui tissent la toile de notre caractère et de notre destin. Ces manifestations extrêmes – et même le moindre plaisir ou déplaisir dont nous sommes conscients, quand nous mangeons, quand nous entendons un son, est peut-être encore, tout bien pesé, une de ces manifestations extrêmes – déchirent fréquemment la toile et constituent alors des exceptions violentes, la plupart du temps sans doute à la suite d’une accumulation, et à quel point elles peuvent, comme telles, égarer l’observateur ! Guère moins qu’elles ne le font pour l’être agissant. Nous sommes tous autre chose que ce que nous paraissons du fait des états pour lesquels seuls nous disposons de conscience et de mots – et par conséquent d’éloge et de blâme. Nous nous méconnaissons à cause de ces manifestations grossières qui seules nous sont connues, nous tirons une conclusion d’un matériau dans lequel les exceptions l’emportent sur la règle, nous lisons de travers cet alphabet apparemment tout à fait lisible de notre moi. Or cette opinion sur nous-mêmes, que nous avons trouvée par cette mauvaise voie, ce qu’on appelle le « moi », ne laisse pas de participer de notre caractère et de notre destin.
Nietzsche, Aurore (1881), trad. Éric Blondel
Première partie : interprétation littéraire
D’après ce texte pourquoi sommes-nous tous autre chose que ce que nous paraissons être ?
Deuxième partie : essai philosophique
La littérature permet-elle de déchiffrer « l’alphabet […] de notre moi » ?